Le prolongement de la guerre en Ukraine, en plus d’être une véritable tragédie humaine, menace l’approvisionnement énergétique dans notre pays. En effet, une grande partie du gaz naturel importé en Europe provenait auparavant de Russie.

Une enquête menée début septembre par l’équipe de recherche du professeur Marek Hudon (Solvay Brussels School of Economics and Management), en partenariat avec l’Union Wallonne des Entreprises (UWE), montre notamment qu’une entreprise sur trois serait fortement affectée par l’impact d’une rupture d’approvisionnement en gaz. Pour 20% des répondants, la conséquence pourrait être un ralentissement de leurs activités et 13% risqueraient même de devoir tout arrêter. Après la pandémie, la crise de l’énergie est un coup dur supplémentaire pour les entrepreneurs et les indépendants belges.

Un changement nécessaire

Le gaz naturel n’est pas le seul combustible fossile à subir une augmentation drastique en ce moment. « Le prix de la tonne de carbone, qui était assez faible auparavant, connait une hausse sans précédent depuis le début de l’année 2021 » commente Valérie Swaen, professeure en responsabilité sociale de l’entreprise à l’UCLouvain. Notre dépendance à ce type d’énergie nous rend vulnérable lors de crise mais contribue également négativement au changement climatique. « Depuis des années, nous avançons dans une direction problématique et nous le savons parfaitement » ajoute-t-elle. « Le dérèglement climatique est indiscutable. La question n’est pas de savoir comment faire pour l’éviter mais plutôt comment atténuer le choc dans le mur vers lequel nous nous précipitons. »

Bertrand Hamaide, professeur d’économie et vice-recteur de l’Université Saint-Louis à Bruxelles, estime que la Belgique a beaucoup tergiversé sur l’utilisation des énergies renouvelables. « Nous pouvons espérer que les événements actuels vont faire prendre conscience qu’il est temps d’investir dans ce type de technologie pour sécuriser le futur » explique-t-il.

C’est un avis que partage Valérie Swaen : « cette crise est bien entendu terrible. Mais d’un autre côté, elle sensibilise et incite les entreprises à investir davantage dans la transition énergétique, en réduisant leurs consommations d’énergie et en investissant dans toutes les formes d’énergies renouvelables, des investissements qui deviennent rentables ! »

Une opportunité vers le durable

Pour rester à flot et s’inscrire dans une logique de durabilité, les entreprises doivent donc trouver des solutions pour diminuer l’utilisation des combustibles fossiles et réduire leur empreinte carbone. En ce sens, la crise actuelle peut être vue comme une opportunité d’accélérer la transition énergétique et d’augmenter la résilience de nos entreprises.

Pour Alain Tombu, Ingénieur Projet en Utilisation Rationnelle de l'Énergie auprès du Groupe SRIW (Société Régionale d’Investissement de Wallonie), l’investissement dans la transition énergétique offre des opportunités non négligeables. « Les prix de l’énergie actuels sont hauts, ce qui améliore le rendement des investissements en transition énergétique » explique-t-il. « Ces investissements assurent un prix de l’énergie plus stable pour les années à venir, permettant de tendre vers un lissage du risque de fluctuation que nous connaissons actuellement. De plus, les technologies de transition énergétique sont pour la plupart éprouvées aujourd’hui, que ce soit les énergies renouvelables (panneaux solaires ou éoliennes par exemple) ou l’utilisation rationnelle de l’énergie (comme l’isolation ou les moteurs et pompes à haut rendement). »

Investir dans la transition énergétique de son entreprise comporte toutefois certains risques. « L’intermittence des énergies solaires et éoliennes demandent une technologie de stockage qui n’est pas tout à fait viable économiquement dans la plupart des cas » explique Alain Tombu. « Les entreprises conditionnent alors leur développement en transition énergétique à ce qu’elle peuvent auto-consommer en énergie, ce qui ne représente souvent que maximum 15% de leur consommation. De même, les arrêtés régionaux du décret sur les communautés d’énergie sont attendus pour janvier 2023. Quelques initiatives pilotes sont en cours, mais cela limite pour l’instant l’autoconsommation. »

Pour certaines entreprises qui bénéficient encore d’un contrat fixe, la question de leur approvisionnement futur en énergie ne se pose pas toujours. « Elles continuent d’espérer que les prix chuteront en même temps qu’une résolution géopolitique rapide. Elles ne mettent donc pas à profit le temps qu’elles ont devant elles pour devenir plus résilientes face au choc énergétique » développe Alain Tombu. Un timing qui peut se révéler crucial pour une bonne transition énergétique. En effet, les investissements de l’entreprise ne commencent à avoir un impact qu’après environ un an et demi, le temps d’acheter et d’installer le matériel. « Entre temps, il faut survivre » conclut-il.

Conseils pour les indépendants

Les entrepreneurs et les indépendants ne doivent pas se sentir démunis face à cette situation complexe. Les solutions existent. Pour Julie Hermans, professeure en entrepreneuriat à l’UCLouvain, les crises peuvent révéler la résilience de nos systèmes actuels. « La pandémie du Covid-19 a mis le doigt sur la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mais aussi révélé la créativité de certains entrepreneurs, avec de nombreuses initiatives qui ont surgi dans des lieux plus ou moins inattendus, dans tous les secteurs » analyse-t-elle. « C’est aussi le cas de cette crise énergétique. C’est maintenant, forcées par le prix de l’énergie, que les entreprises peuvent réellement envisager une sobriété énergétique. »

Elle souligne toutefois que toutes ces injonctions à la résilience ne doivent pas cacher la grande détresse dans laquelle se trouvent les entreprises belges de nos jours. Son conseil pour y faire face ? « Rejoindre les initiatives d’économie circulaire supportées (ou pas) par les autorités publiques ; investir dans les ceintures énergétiques locales ; et profiter de la crise pour réinventer son métier pour plus de sobriété. »

Valérie Swaen préconise de commencer par mesurer précisément ses consommations : « certaines entreprises n’ont pas toujours une mesure fine et précise de leurs consommations énergétiques par lieu ou par bâtiment. Il est important de réaliser des audits énergétiques professionnels pour pouvoir identifier où il est déjà possible d’économiser de l’énergie, et donc de l’argent, avant même de changer quoi que ce soit. » De même, il est possible de nommer une ou plusieurs personnes responsables de l’énergie dans l’entreprise. « Elles pourront proposer des plans d’action et des moyens pour réduire la consommation énergétique. »

Même aujourd’hui, il n’est pas trop tard pour investir dans les énergies renouvelables et décarboniser son entreprise. Pour Bertrand Hamaide, l’isolation des bâtiments est le point le plus important. « Les entreprises d’une certaine taille peuvent commencer en interne avec des panneaux solaires ou une éolienne » ajoute-t-il.

Pour conclure, Alain Tombu rappelle qu’en Belgique, et particulièrement en Wallonie, des aides et des subsides existent pour accélérer la transition énergétique. Une autre bonne raison de s’y mettre avant qu’il ne soit trop tard.

Envie d’un accompagnement dans vos démarches ?

Plusieurs organismes peuvent vous aider à accélérer la transition énergétique de votre entreprise.

  • Si vous préférez un accompagnement technico-financier personnalisé, le dispositif WalEnergie de la SRIW, est disponible pour les grandes entreprises. Vous pouvez contacter Sylviane Bilgischer, Investment Manager en énergie renouvelable et environnement, à l’adresse sbilgischer@sriw.be
  • Le dispositif Easy’Green de la Sowalfin propose le même type d’accompagnement pour les PME. Vous pouvez contacter Véronique Léonard, responsable en éco-transition, à l’adresse vleonard@sowalfin.be.
Aude-Line Berrahou
Aude-Line Berrahou

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