« Si vous n'osez rien, vous n'obtiendrez rien non plus. Essayez de repousser sans cesse de nouvelles limites. »
Comment êtes-vous arrivés dans le secteur du chocolat ?
Dominique Persoone : « Je suis cuisinier de formation. J'ai d’abord étudié à l'école hôtelière Ter Groene Poorte à Bruges. Ensuite, mon père a insisté pour que je fasse des stages dans plusieurs grands restaurants parisiens. Je pensais ce métier ennuyeux et peu sexy, mais j'ai vite découvert que la fabrication du chocolat nécessitait une technique très spécifique et complexe à maîtriser. Cela m'a intrigué. C'est ainsi que ma passion pour le chocolat s'est progressivement développée.
Je me suis d'abord concentré sur les pralines classiques, avant de commencer à expérimenter avec des ingrédients moins évidents. Le wasabi, par exemple, ou les asperges. J'ai appliqué la philosophie de la cuisine au chocolat : goûter et essayer au lieu de suivre des recettes mesurées. C’est vrai que j’ai reçu des remarques à ce sujet les premières années. Mais j'ai fini par être de plus en plus respecté dans le monde de la gastronomie. J'ai depuis élaboré des chocolats pour de grands restaurants trois étoiles, en Belgique et à l'étranger. »
Julius Persoone : « J’ai aussi fait l'école hôtelière et j'ai travaillé dans de nombreux restaurants étoilés. Au départ, je ne voulais pas non plus être chocolatier. Mais en tant que ‘fils de’, j'ai rapidement été poussé vers le département pâtisserie. Peu à peu, je suis tombé amoureux de la pâtisserie, puis du chocolat. Je suis donc parti aux Etats-Unis pour étudier le ‘Chocolate & Pastry’. »
Est-ce important pour vous d’être audacieux dans votre profession ?
Dominique Persoone : « Même en tant que chocolatier, il est indispensable d'adapter son produit à l'air du temps. Au début, tout le monde me pensait fou lorsque j’ai proposé des pralines au wasabi et à la tomate. À présent, nous sommes leaders en combinaisons de saveurs. J'aime sortir de temps en temps des sentiers battus. Oser expérimenter est aussi un moyen de maintenir la motivation de l’équipe. La flamme finirait par s'éteindre si nous devions faire la même chose tous les jours. »
Julius Persoone : « Il y a quelques années, j'ai expérimenté le développement d'une praline pour les patients atteints d'un cancer de la gorge. La demande émanait du professeur Thomas Moors d'Oxford. Les personnes atteintes d'un cancer de la gorge perdent souvent le goût parce qu'elles ne produisent plus de salive. Il voulait qu'elles puissent à nouveau apprécier les bonnes choses.
Un laboratoire a étudié la composition exacte de la salive. À partir de cette enzyme salivaire en poudre, j'ai fabriqué un gel. De la salive artificielle, en quelque sorte. Nous avons également vérifié quels étaient les arômes que ces patients avaient le plus de mal à identifier et nous avons fini par choisir la fraise et la menthe. Nous avons donc fabriqué une praline avec une couche de salive artificielle et, au milieu, un gel de fraise et de menthe. La personne croque d'abord dans ‘la couche de salive’, ce qui lui permet d’apprécier toute la palette de saveurs de la praline. Le professeur Moors nous a envoyé des vidéos des premiers patients qui retrouvaient enfin le goût après des années. Nous en avons eu la chair de poule. »
Dominique Persoone : « Une autre anecdote : Sergio Herman et moi avons reçu un jour un appel des épouses de Ron Wood et Charlie Watts, deux musiciens des Stones. Ils voulaient organiser une fête surprise dans un hôtel de Bruxelles. Sergio et moi avons eu carte blanche, mais ils nous ont demandé de prévoir quelques blagues dans le menu. Nous avons mis au point une tabatière à chocolat, inspirée par l'ancienne tabatière en bois de mon grand-père. ‘Chocolate in your brain’, telle était l'idée. Depuis, nous avons vendu plus de 25 000 ‘chocolate shooters’.
Pour entreprendre de manière créative, n’ayez pas trop de craintes. Celui ou celle qui joue la carte de la sécurité restera un(e) parmi tant d'autres. Ce n'est pas ce que vous voulez. La tabatière aurait pu nuire à l'image de The Chocolate Line par exemple. Mais il ne faut pas s’attarder sur ce point : si vous n'osez rien, vous n'obtiendrez rien non plus. Essayez de repousser sans cesse de nouvelles limites. Ce n'est qu'à ce moment-là que vous serez vraiment épanoui(e) en tant qu'entrepreneur(e). »
Vous êtes également actifs dans de très beaux projets. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Dominique Persoone : « Il y a quelques années, nous avons créé notre propre plantation de cacao de 3,4 hectares au Mexique. C'est un bonheur de travailler avec du chocolat qui vient littéralement de nos propres arbres. Les cacaoyers poussent mieux à l'ombre d'autres arbres et les moins chers au Mexique sont les bananiers. Nous avons actuellement 4 000 bananiers. Nous avons donc contacté l'agence de protection des animaux sur place. Ils collectent désormais nos bananes tous les mois pour nourrir leurs animaux.
Nous soutenons également un sanctuaire pour les singes-araignées avec les recettes de nos produits du Mexique. Il s'agit de singes qui ont été maltraités et qui auraient fini par être tués. Grâce à ce centre, ils restent en vie. Par l'intermédiaire de notre ‘We Care Foundation’, nous apportons un soutien financier au centre.
Nous avons également créé une chocolaterie dans le parc des Virunga, au Congo. Le parc est en proie à des rebelles à la recherche de ressources précieuses et à des braconniers. Les rangers et gardes forestiers y travaillent dans des conditions dangereuses. Leurs femmes deviennent souvent veuves. Le prince Emmanuel de Merode nous a demandé de travailler ensemble pour créer une économie qui permettrait aux habitants de gagner de l'argent de manière honnête et de ne plus avoir à voler ou à braconner. D'où la création de la chocolaterie.
Nous éduquons les cultivateurs de cacao locaux pour que la qualité de leurs fèves augmente et qu'elles puissent être vendues à un prix plus élevé. Ils étaient auparavant exploités. Et nous employons des personnes de la région dans notre usine. Il s'agit souvent des veuves de gardes forestiers qui doivent élever seules leurs enfants. Ce projet ne nous rapporte pas un seul centime. Les bénéfices restent sur place et sont reversés à des associations caritatives locales. »
Julius Persoone : « Dans notre atelier, nous produisons également beaucoup de pralines. Elles ne sont pas toutes parfaites : il s'agit souvent d'une erreur de production minime. Des pralines qui ne répondent pas aux normes de vente, mais qui sont délicieuses. Nous faisons don de ces chocolats à Poverello, une organisation caritative pour les personnes dans le besoin. Deux fois par mois, notre chauffeur prend la route avec un nouveau chargement de chocolats. »
Avez-vous d’autres grands rêves ?
Julius Persoone : « Devenir la plus grande marque de chocolat haut de gamme au monde. Je place la barre très haut à cet égard. Je suis prêt à travailler jour et nuit pour y arriver. Même si le mot ‘travailler’ n'est pas approprié. Je me détends dans l’atelier, surtout lorsque j’y suis seul le dimanche. J'aime être au calme, pour expérimenter et faire des essais. »
Dominique Persoone : « J’aimerais un jour naviguer sur l'Amazone, du Pérou au Brésil. Et de préférence sur une embarcation construite par mes soins. Cela risquerait par contre de prendre au moins six mois et je ne dispose pas encore de ce temps. Mais un jour, qui sait ? Un homme doit rêver dans sa vie. Ceux qui ne rêvent pas ne vivent pas. Je suis heureux d'avoir transmis ce talent à mon fils. »
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