Bart Heiremans : « Je travaillais avec mes deux frères dans l'entreprise de mon père. Il dirigeait une entreprise de pompes funèbres. Les projets de reprise de l'entreprise familiale par la cinquième génération se faisaient de plus en plus concrets. Mais c’est là que la tragédie a frappé.
Nous travaillions à différents endroits à Anvers. Comme le trafic sur les routes se faisait de plus en plus dense, j’ai décidé d’acheter une moto. L’idée étant que cela me permette de me déplacer plus rapidement d’un point A à un point B. Un soir, alors que je rentrais chez moi, un camion venant d'une rue latérale ne m'a pas vu et m’a percuté. À l'hôpital, il est vite apparu que j'étais paralysé du bras droit. Ma jambe était aussi très endommagée. Mais la blessure la plus grave n'est apparue que plus tard : un nerf a été arraché de ma moelle épinière lors de l'accident. Cela provoque une douleur constante… jusqu’à aujourd’hui !
Plus grave que prévu
Ma vie a été bouleversée du jour au lendemain. J'ai passé cinq mois à l'hôpital. Après cela, j'ai commencé une rééducation éreintante. Pendant un an, je me suis rendu tous les jours au centre de rééducation pour effectuer des exercices. Pendant longtemps, j'ai cru que tout irait bien à nouveau. Mais tout s'est avéré beaucoup plus grave que prévu.
Je suis toujours handicapé à 67 %. Le travail à temps plein n'est plus une option. Et il ne le sera plus jamais ! Les plans qui étaient les nôtres ont disparu comme neige au soleil. Au bout du compte, mon frère cadet a poursuivi l'activité seul.
La paix financière
En plus de mes préoccupations physiques, je m'inquiétais également pour ma femme et nos trois enfants. Que leur arriverait-il ? Ma contribution pratique à la maison a dû par la force des choses, rester très limitée. Financièrement, j’ai vu mes revenus dégringoler d'un seul coup. Ma femme a également décidé de travailler à mi-temps. Je n’étais plus capable de conduire, donc elle devait m'emmener au centre de réhabilitation tous les jours. Son salaire a également été réduit de moitié.
Deux ans avant l'accident, mes frères et moi avions décidé de créer une société de gestion. Grâce à cela nous pouvions travailler comme indépendants dans l'entreprise familiale. Au moment de tout mettre en ordre, la Banque Van Breda nous a conseillé de prendre des précautions au cas où, pour une raison quelconque, nous serions soudainement en incapacité de travail. La garantie complémentaire incapacité de travail, qui est une clause supplémentaire attachée à notre engagement individuel de pension, était déjà une option. Je suis toujours reconnaissant envers la banque pour cela. Si je n'avais pas ce revenu garanti aujourd’hui, je ne pourrais compter que sur la mutuelle et je recevrais 900 euros par mois. Autant dire que c'est beaucoup trop peu pour une famille de cinq personnes. En outre, il a fallu cinq ans avant que la procédure relative à l'accident ne soit terminée et que je reçoive une indemnisation de la part de l'autre partie. Le revenu garanti a permis à notre famille de ne pas sombrer financièrement.
Au rythme de mon corps
Comment est-ce que je vais aujourd’hui ? Un jour bien et le lendemain moins. Je suis toujours suivi et je continue à aller à la clinique de la douleur. Un engagement de toute une vie. Il existe si peu de médicaments pouvant prendre en charge ma douleur. Je prends maintenant de la méthadone. Mais ce n’est pas une substance que l’on peut prendre sans limites. Mon organisme ne doit pas développer d’accoutumance. Il faut donc faire particulièrement attention aux dosages. C'est un exercice d'équilibre constant. Ni trop, ni trop peu.
Travailler en dehors de la maison n'est toujours pas une option. J'ai essayé pendant un moment. Mais une fois dans l'atelier, j'ai remarqué que je ne pouvais plus faire face à la vitesse. Il faut trop d'efforts et de temps pour se concentrer sur quelque chose et le mener à bien. C'est comme si mon cerveau ne pouvait plus le supporter. J'ai dû faire l'expérience directe de la nécessité de suivre le rythme de mon corps. Et de prendre les choses comme elles viennent.
Aujourd’hui, je m’occupe essentiellement des enfants. Je m'assure que tout se passe bien à la maison. Et j'aide occasionnellement à l'école de ma fille. Bien sûr, ça fait mal parfois quand j'entends mes amis parler de leur travail. C’est quelque chose que je ne peux plus faire. J’ai parfois un sentiment d’infériorité par rapport aux autres. Mais ensuite, je me dis que j'ai d'autres choses. Je vois mes enfants grandir tous les jours. Ils ont maintenant 14, 12 et 9 ans. C'est ça mon moteur aujourd’hui. C'est mon grand bonheur. Et je suis toujours là. À un moment donné, ma vie ne tenait qu’à un fil. L'accident m'a appris à voir les choses avec du recul et ça aussi c’est quelque chose dont je suis reconnaissant. »