Une « statue » aux couleurs et aux dimensions fantaisistes qui n’a pas qu’une fonction décorative.

À la différence des chiens en plastique que l’on voit un peu partout, façon nains de jardin contemporains, celui qui accueille les travailleurs et visiteurs chez Moderna Products n’a pas qu’une fonction décorative : il symbolise les deux piliers de l’entreprise — les animaux de compagnie et le plastique. Tout comme le slogan ’Creating smart plastics for happy pets’, inscrit en grand sur la façade du bâtiment. Une formule que Chantal Saelen utilisera dès les prémices de notre entretien et qui reviendra plusieurs fois au cours de la discussion.

Poussez la porte de Moderna Products et vous découvrirez une collection de ces élégants articles en plastique pour animaux de compagnie, des bacs à litière et maisons de toilette pour chats aux écuelles et cages de transport. Ces produits font-ils le bonheur de nos fidèles compagnons ? N’en doutez pas un instant : chez Moderna Products, vous ne trouverez pas le bac à litière ou la cage de transport lambda. Ici, tout est décliné en plusieurs modèles et divers coloris, à cent lieues des formes classiques et familières – à l’image du Lucky Cat, le bac à litière rond qui a propulsé Moderna sur le marché en 1996.

Pour cette entreprise, la « rapidité » est un maître mot. Comme celle du chat qui bondit sur sa proie ou de la souris qui prend la fuite devant l’ennemi. Elle caractérise aussi le débit de Chantal Saelen, une femme qui parle aussi naturellement qu’elle respire et qui aime que les choses avancent. Disons même : qui tient à ce que les choses avancent.

La flexibilité est une qualité majeure chez un entrepreneur.

Du bouton au chat

« La flexibilité est une qualité majeure chez un entrepreneur. »

« C’est vrai », acquiesce Chantal Saelen. « Ne pas avancer, c’est reculer. » Une philosophie inscrite dans ses gènes – et dont on comprend mieux la portée quand on sait que Moderna Products est une entreprise familiale. L’histoire débute en 1932, lorsque ses grands-parents fondent l’entreprise – qui s’appelait alors Moderna tout court. « L’activité a bien changé depuis cette époque », explique Chantal Saelen. « À l’origine, Moderna fabriquait des boutons. » Et de rire : « Oui, des boutons du début, nous en sommes arrivés aux accessoires en plastique pour animaux de compagnie. » Du bouton au chat : des mots qui pourraient faire un joli slogan, mais qui résument avant tout l’histoire et l’incroyable flexibilité de cette famille d’entrepreneurs.

Voici plusieurs décennies, le grand-père de Chantal Saelen livrait ses boutons aux fabricants de vêtements – Izegem était alors une région réputée pour son textile et ses chaussures. Dans les années soixante, les parents de celle-ci reprennent l’affaire et lancent une deuxième ligne de produits : les « garnitures pour chaussures ». « À l’époque, c’était un marché florissant », poursuit Chantal Saelen, « mais la mode étant très versatile par nature, ce créneau ne pouvait pas assurer notre stabilité. » Retour donc aux boutons, jusqu’à ce que son père trouve une nouvelle idée de génie dans les années quatre-vingts.

« Le secteur de la confection délocalisait en masse ses activités vers des pays à main-d’oeuvre bon marché, en Afrique du Nord et en Europe de l’Est. L’heure d’une deuxième reconversion avait sonné pour Moderna. Donc oui, ce sont sans doute mes grands-parents et mes parents qui m’ont appris qu’à défaut d’avancer, on recule, et que la flexibilité est une qualité majeure chez un entrepreneur. Mes parents ont vu leur entreprise s’engager sur une pente glissante. Ils se sont demandé comment réagir, se sont interrogés sur leur véritable expertise. Et la réponse était simple : notre expertise, c’était l’injection – peu importe qu’il s’agisse de boutons ou d’autre chose. Et voilà : il suffisait d’avoir la bonne idée, au bon
endroit et au bon moment – un coup de chance en quelque sorte, celui que tout entrepreneur doit avoir. »

Il suffisait d’avoir la bonne idée, au bon endroit et au bon moment – un coup de chance en quelque sorte, celui que tout entrepreneur doit avoir.

Le père de Chantal Saelen rachète une petite entreprise en faillite dans la région, spécialisée dans l’injection. « Ce qui l’intéressait, c’était surtout les matrices », poursuit-elle. « Mais l’entreprise fabriquait aussi des produits pour les oiseaux et les pigeons. Les matrices étaient notamment destinées à la fabrication de mangeoires en plastique. » Pour continuer à servir les clients de l’entreprise en faillite, le père de Chantal Saelen décide de poursuivre l’activité. « Mais, explique celle-ci, la popularité des oiseaux et la colombophilie étaient alors en perte de vitesse, et les clients étaient de plus en plus nombreux à réclamer des articles pour leur chien ou leur chat. C’est ainsi que nous nous sommes lancés dans ce qui est aujourd’hui notre activité principale : la création et la production de produits design pour chiens et chats et autres petits animaux de compagnie, comme les cobayes et les lapins. »

D’Izegem à la caroline du sud

Création et design : deux concepts qui gagnent en importance au sein de la troisième génération de Moderna Products ; une génération incarnée par Chantal Saelen et son mari Bart Bonte. Chaque jour, ils s’installent tous deux derrière leur bureau, en vis-à-vis, et tous deux adorent ça. « Si on ne se voit pas trop ? » Chantal Saelen nie vigoureusement et éclate de rire. « Pas du tout ! Certains entrepreneurs se plaignent de voir trop peu ou trop rarement leur conjoint. Chez nous, pas de risque ! »

Les époux ont repris les rênes de l’entreprise en 1998. Ils ont sciemment choisi de se différencier de l’offre existante et de viser plus haut en misant sur des produits plus sophistiqués, conçus et créés par leurs soins. Une stratégie qui porte ses fruits : Moderna Products se distingue par la modernité de son approche et décroche le titre de Lauréat national PME 2012. « Nous avons débuté sur le marché local avec un produit typique d’Izegem : les boutons. Aujourd’hui, nous employons près de 80 personnes et exportons nos produits dans 70 pays. » Chantal plaisante : « Je me dis régulièrement que nous avons sans doute atteint notre périmètre géographique maximal – mais cette réflexion en entraîne automatiquement une autre : quel sera notre prochain pays cible ? »

Moderna Products peut se targuer d’occuper une place de choix sur le marché chinois. Les ventes ont aussi beaucoup progressé aux États-Unis ces cinq dernières années. « C’est fantastique, et nous en sommes fiers. L’Amérique est le plus gros marché pour les animaux de compagnie. Nous y avons une filiale depuis quelques années, en Caroline du Sud. Cette décision relève une nouvelle fois de la flexibilité : nous avions constaté que les grossistes américains étaient friands de nos designs européens, mais qu’ils préféraient, par patriotisme sans doute, acheter leurs produits auprès d’entreprises établies aux États-Unis. Nous nous sommes donc installés sur place. »

Des animaux et des maîtres satisfaits pour des entrepreneurs

Le site web de Moderna Products est intégralement en anglais : 100 % international donc ! La séduction y est au rendez-vous, pas seulement dans le design des produits, mais aussi dans les noms tendance – de « Mega Comfy » à « Arist-o-cat », en passant par « Roadrunner » ou « Doonut » ! Chantal Saelen : « Prenez un bac à litière : c’est avant tout un objet utilitaire. Mais en raison de nos origines – les boutons et notre lien avec l’univers de la mode –, nous restons attentifs au look du produit. Et c’est ce qui fait notre succès : nos produits sont pratiques ET esthétiques. D’où notre slogan "smart products for happy pets" : "smart" à la fois pour l’aspect pratique et pour le côté plaisir – celui des animaux et celui des maîtres à qui nous offrons "autre chose" qu’un simple bac rectangulaire. Et la boucle est bouclée : si les maîtres sont contents, nous aussi ! »

Évoluer. Rencontrer des clients satisfaits. Créer quelque chose à partir de presque rien – des granulés de plastique. Être en contact avec le personnel. Chantal Saelen aime presque tous les aspects de son travail. « S’il est une chose que je ne supporte pas dans le monde de l’entreprise et à laquelle je me refuse d’ailleurs, ce sont les petits jeux tactiques. C’est peut-être dû à mes racines – en Flandre occidentale, nous faisons les choses simplement – et au fait que notre entreprise a débuté sur un marché strictement local. Je veux que tous ceux qui entendent le nom "Moderna Products" sachent immédiatement qu’ils ont affaire à un partenaire digne de confiance. Say what you do, do what you say. Outre la flexibilité, ce concept occupe une place importante dans ma vision de l’entrepreneuriat. »

Laisser sa vraie nature s’exprimer

Peu lui importe que ses deux filles reprennent ou non la société. À l’heure des choix, Chantal Saelen n’a, pour sa part, pas hésité une seconde à suivre les traces de ses parents.

« Étudiante, je travaillais dans des services administratifs pendant les vacances. Je devais encoder des listes de données. À cinq heures pile, tout le monde s’interrompait, même au milieu d’une liste, et rentrait à la maison. Pas moi. Ne croyez pas que je me considérais supérieure aux autres, pas du tout ! Je ne pouvaissimplement pas envisager de partir sans avoir terminé ma liste – même s’il me fallait rester encore plus d’une heure au bureau. J’en éprouvais un sentiment d’accomplissement et j’entamais la journée du lendemain avec une ardoise vierge. Je n’ai jamais été attirée par la routine d’un horaire fixe. Mais attention : je n’ai absolument rien contre ceux qui l’apprécient ! Tout le monde n’a pas envie d’entreprendre. Pour ma part, j’ai su très tôt que c’était là mon avenir. »

Lorsque Chantal Saelen nous fait visiter l’entreprise, nous constatons qu’elle connaît par son prénom chacun des quelque quatrevingts employés et que chacun la salue avec plaisir. « C’est une chose qui me tient très à coeur », explique-t-elle. « Ce n’est pas parce que vous fabriquez des objets en plastique que vous devez traiter vos employés comme des objets. Certains travaillent ici depuis qu’ils ont seize ans et ont bien connu mes parents. Cela crée un lien. Le seul casse-tête est d’arriver à organiser une activité à laquelle tout le monde puisse participer. Impossible de boire un verre ensemble le vendredi soir, puisque nous travaillons en plusieurs équipes. Mais je trouverai une solution ! », affirme-telle d’un ton décidé. Il ne peut en être autrement pour cette femme qui, en nous montrant d’impressionnantes piles de produits dans l’entrepôt, nous confie que son job fait partie intégrante de sa vie. « Je n’exagère pas », dit-elle en riant, « vu que mon mari est aussi mon principal partenaire au travail. »

Alors que nous nous dirigeons vers la sortie des ateliers, Chantal Saelen conclut, toujours avec la même vélocité : « Ici, nous gérons tout nous-mêmes : la conception, la production et la vente. J’ai ma liberté et je contrôle mon agenda. Je vois beaucoup mon mari et nous nous complétons à merveille. Courir, voler, plonger, tomber parfois mais toujours se relever, et surtout persévérer et entretenir l’envie : c’est notre vie et nous en sommes accros. » Puis, dans un murmure, comme si l’énorme chien qui garde l’entrée avait des oreilles : « Oui, il m’arrive d’être fatiguée. Mais jamais d’en avoir assez. Il me reste tant de choses à réaliser ! Nos défis aujourd'hui se situent principalement au niveau de la durabilité. Nous avons-nous-mêmes rédigé un plan dans ce sens, le Moderna Green Pact. Nous voulons non seulement faire la transition complète vers l'utilisation de matériaux recyclés, mais aussi passer d’un pur intérêt des actionnaires à un intérêt de toutes les parties prenantes. ».

L’esprit d’entreprise est inné et il est impossible d’y résister

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Aude-Line Berrahou
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