Arthur Deleval : « J’ai toujours été assez curieux et ambitieux, un peu rêveur et inventeur. J’ai grandi dans une famille d’indépendants et d’entrepreneurs. Mon père m’a inculqué la passion de la mécanique automobile et des motos, ce qui m’a certainement décidé à suivre des études d’ingénieur mécanicien à l’UCL. Par la suite, j’ai fait un deuxième master à l’École nationale supérieure du pétrole et des moteurs (IFP School) à Paris en transmission automobile, avec une expérience en alternance pour un grand constructeur automobile français.
À ce moment-là, je me suis rendu compte que je ne souhaitais plus continuer à travailler ni dans ce secteur, ni pour une entreprise de cette taille. Il y a 13 ans, j’ai donc quitté mon poste et je me suis attelé à la création d’un premier prototype. J’avais dans l’idée d'appliquer certains principes de l'automobile à la transmission du vélo électrique, un marché encore naissant à l’époque, mais avec beaucoup de potentiel. Intégrer un moteur et un changement de vitesse en un seul et même boîtier, comme c’est le cas pour les voitures automatiques, permettait de faciliter l'usage du vélo, d'améliorer l'expérience, et de rendre le système plus robuste et plus durable.
J’ai donc créé un ‘proof of concept’ prometteur et déposé un premier brevet. J’ai rencontré celui qui est toujours mon associé à l’heure actuelle, Simon Godfrind, un ingénieur spécialisé en microélectronique. Nous avons fondé E2 Drives et lancé une première levée de fonds. Le but était de réaliser un prototype fonctionnel et d’approcher de grands fabricants de moteurs pour vélos électriques pour leur proposer notre solution. Comme toute start-up, nous avons connu des hauts et des bas. Notamment un premier accord de licence avec une entreprise japonaise auquel nous avons du rapidement mettre fin. »
Un partenariat idéal
« En 2018, nous avons engagé notre premier employé et nous avons décidé de créer un vélo complet, avec notre moteur et d'autres innovations, ce qui était plus parlant pour une nouvelle levée de fonds mais aussi pour mettre un pied sur le marché et faire connaître notre technologie. Grâce à un de nos actionnaires, nous avons rencontré le chef de l’équipe s’occupant des vélos de ville chez Decathlon. Enthousiasmé par notre proposition, nous avons conclu un accord et avons décidé de nous recentrer sur le système de propulsion. Decathlon s'est finalement avéré être un partenaire idéal dans le sens où, depuis toujours, nous voulons que notre moteur soit utilisé par le plus grand nombre.
Nous pensons que notre technologie est meilleure que ce qui est proposé actuellement, avec un meilleur usage, plus robuste et durable dans le temps. Elle offre une expérience de conduite plus sereine à l'utilisateur, et avec l'avantage de pouvoir être produite à bas coûts. Nous n’avons jamais voulu en faire un produit haut gamme ou de niche, bien au contraire. En cela, nous rejoignons la promesse de Decathlon qui veut rendre le sport accessible à tous. Nous partageons le même rêve de faire passer un maximum de personnes de la voiture au vélo. Aujourd’hui, nous sommes dans la phase de production : notre moteur a été intégré à un vélo BTWIN qui sera disponible en magasin juste après l’été.
À l’avenir, notre ambition pour E2 Drives est de devenir leader du marché des moteurs pour vélos électriques en 2030. Nous travaillons également sur d'autres projets d'innovation axés sur la motorisation pour assister l'humain. Sur le long terme, notre entreprise se veut être un laboratoire de créations technologiques. Nous nous spécialisons en recherche et développement : création de concepts, réalisation de prototypes et pré-validation, sans pour autant mettre le produit sur le marché, ce dont nous laissons le soin à nos partenaires. Nous leur donnons un coup de main pour industrialiser la solution bien entendu, comme c’est le cas aujourd’hui avec Decathlon. »
Pour être ou rester innovant, il faut se nourrir de plein d'informations et garder l’esprit ouvert.
Curiosité et connaissances
« Mon associé et moi-même avons insufflé quelques valeurs que nous estimons importantes dans notre culture d'entreprise. Nous prônons par exemple le droit à l’erreur. S’il n’y a pas de droit à l'erreur, il n’y a pas d’innovation. Pour innover, il faut faire des essais, il faut être à la fois curieux et persévérant dans sa recherche. Je pense qu'il faut aussi avoir un environnement qui favorise l'innovation et donc pouvoir faire des tests, des essais, des erreurs. C’est aussi important d’être entouré des bonnes personnes. Dans notre secteur en tout cas, le recrutement d’une bonne équipe est crucial. Cela nous a pris du temps mais nous sommes aujourd'hui ravis car notre équipe, bien que de taille réduite, est très efficace.
Je pense que, pour être innovant, il faut se nourrir d’énormément d'informations et rester curieux. Il faut connaître tout ce qui existe dans son secteur d’activité : les défauts, les avantages, comprendre les vrais besoins des consommateurs. Nous ne sommes pas une entreprise de marketing mais nous avons réussi à comprendre ce que cherchaient les cyclistes. Après des milliers de tests sur nos prototypes, les utilisateurs apprécient l’expérience offerte par notre moteur. C’est très important de comprendre ce que cherche le marché et les utilisateurs. Mon meilleur conseil, pour être ou rester innovant, est donc de se nourrir de plein d'informations et de garder l’esprit ouvert.
Mon autre conseil serait d’enlever ses barrières mentales. Nous avons souvent tendance à bloquer nos idées en nous disant qu’une autre personne sur Terre y a peut-être déjà pensé ou l’a déjà conçu. Il ne faut pas non plus avoir peur que de grosses entreprises multinationales aient déjà pu faire mieux ou avec plus de moyens. Ce n’est pas toujours le cas. Si vous avez une idée, essayez d’enlever vos barrières et regardez comment elle peut être différente et meilleure que ce qui a déjà été proposé. »