Michaël Gabai : « À l’origine, je pensais me lancer dans des études d’ingénieur agronome ou une spécialisation en math. Le hasard a fait que mon meilleur ami s’est dirigé à la dernière minute vers la médecine. Je l’ai suivi mais en optant pour un terrain un peu plus connu : la dentisterie. En effet, mes deux parents sont dentistes ce qui a probablement aussi aiguillé mon choix. Pendant toute mon enfance, j’ai eu la chance de voir à quel point ils étaient investis et passionnés par leur métier. Ils m’ont bien entendu énormément soutenu pendant mes études.
J’ai obtenu mon diplôme en 2000 et je me suis tout de suite dirigé, en tant qu’assistant, vers la formation de nouveaux étudiants en milieu hospitalier. À cette époque, je travaillais aussi un jour par semaine dans le cabinet de mes parents. Dès le début, j’ai essayé de me différencier d’eux et de privilégier mon travail à l'université plutôt que de suivre la voie ‘facile’. C’était en tout cas important pour moi de définir ma propre identité dans la profession et de ne pas juste être dans le sillage de ma famille. Le fait de pouvoir transmettre mes acquis à d’autres est également gratifiant.
En 2011, j'ai ouvert mon propre cabinet après des spécialisations en implantologie et en parodontologie. Je continue à donner des formations dans ces domaines. Le métier que j’exerce aujourd’hui n’est plus du tout le même qu’il y a dix ans. Cette discipline a connu une évolution fulgurante, notamment au niveau de la digitalisation et de l’utilisation de logiciels informatiques. C’est un métier passionnant et extrêmement satisfaisant du point de vue de l’humain. »
Des règles contraignantes
« Pour l’anecdote, j’étais dans les premiers à attraper le coronavirus en mars 2020, suite à un retour de vacances. J’ai donc vécu les débuts de la pandémie comme patient avant de le vivre en tant que dentiste. Quand je suis sorti de l’hôpital, sachant que je n’allais pas pouvoir reprendre le travail rapidement, j’ai rejoint un comité d’experts de la société de médecine dentaire pour aider à élaborer les procédures et les recommandations pour la profession en période covid.
Nous avons ensuite repris progressivement l’activité au cabinet. Pour les dentistes, une des professions les plus exposées, les règles ont été très strictes et contraignantes. Nous avons formé les membres de l’équipe et publié des vidéos pour que les patients puissent mieux comprendre comment se déroulerait leur visite au cabinet pendant la pandémie. C’était important que tout le monde comprenne bien nos nouvelles conditions de travail et cela a nécessité des réunions d'équipe régulières pour pouvoir s'assurer que les protocoles soient bien mis en place et adaptés en fonction de l'évolution de la maladie.
Je pense que la grande majorité des patients ont vraiment apprécié la mise en place de ces mesures. Ils n’allaient certainement pas nous reprocher de faire un excès d’hygiène dans un lieu de soin. Par contre, une des conséquences malheureuses du covid est la dégradation de l’état buccal global de la population pendant cette période. Cela en partie à cause d’un manque de régularité des patients qui ont reportés leurs soins par crainte d’une contamination. Mais également parce que les dentistes ont dû respecter plus de mesures, notamment des temps d’attente élevés entre les patients, ce qui a surchargé leurs agendas. Ils ont malheureusement dû privilégier les cas les plus urgents au détriment de certains soins préventifs. »
Faciliter l’accès aux soins dentaires
« La solidarité, le partage et l’humain ont toujours été des aspects très importants de ma pratique. Nous avons un petit groupe d’amis dentistes avec lequel nous partons une fois par an pour une mission humanitaire au Togo. Cela n’a malheureusement pas pu se faire à cause du covid. Nous avons donc monté une mission du même style en Belgique dans un centre de réfugiés. Pendant quatre jours, nous avons fourni tous les soins dentaires nécessaires aux réfugiés de ce centre.
Le hasard a fait que j’ai été contacté à la même période par DoucheFLUX, une ASBL qui offre des services de premières nécessités aux personnes en situation de précarité, dont des sans ‘chez-soi’ et des sans-papiers. L’infirmière responsable, Binta Liebmann Diallo m’a fait part des besoins croissants depuis la pandémie et encore plus aujourd’hui avec la crise en Ukraine. Le nombre de personnes précarisées ne fait qu'augmenter et les solutions pour les prendre en charge sont totalement insuffisantes. C'est pour cette raison que, depuis un an, nous avons élaboré ensemble DentalFLUX, un projet visant à faciliter l’accès aux soins dentaires pour ces patients.
Pour le moment, nous récoltons des dons afin d’acheter un camion mobile, de l’équipement et de pouvoir financer un an de salaire d’un(e) assistant(e) dentaire. En parallèle, nous essayons de simplifier les procédures administratives. En effet, la Belgique donne accès aux soins dentaires aux personnes en situation précaire mais c’est un vrai parcours du combattant. Or, lorsque la personne vient nous trouver avec un problème, nous voulons qu’elle soit prise en charge immédiatement, pas après plusieurs mois. Enfin, nous souhaitons que les soins conventionnés de l’association puissent être facturés directement à l’INAMI afin que le projet puisse être pérenne. Ces rentrées financières nous garantiraient que DentalFLUX puisse continuer et s’autofinancer.
Nous avons pour ambition de signer des partenariats avec des universités et des hautes-écoles. Nous avons déjà l’accord de l’école d’hygiéniste bucco-dentaire pour que notre futur camion mobile soit reconnu comme lieu de stage. Je suis convaincu qu'il faut que les étudiants en dentisterie passent par différents lieux de stage dans leur formation, pas uniquement des cabinets privés, ne fut-ce que pour ouvrir leurs champs des possibles et qu’ils voient que ce type de projet existe. »
Un dernier conseil
« Je pense qu’il est important d’investir dans la formation, le confort et la qualité de travail. C’est ce qui permet d’atteindre ses objectifs. C’est important d’améliorer son professionnalisme global car cela touche à toutes les facettes du métier, que ce soit la relation avec le patient et avec son équipe, la qualité des soins et le bien-être personnel. C’est essentiel pour s’adapter et rester résilient en temps de crise. Il faut garder cette ouverture aux autres et cette âme de soignant. Personnellement, cela passe par le bénévolat et la volonté de rendre les soins dentaires plus accessibles. Mais c’est à chacun de trouver sa vocation et d’améliorer ce qui compte pour sa profession et sa personne. »
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Vous pouvez faire un don sur le compte de DoucheFLUX (BE80 3630 2531 1077) en indiquant « DentalFLUX » dans la communication libre.
Plus d’informations sur le site internet : http://dentalFLUX.be